lundi 12 septembre 2011

Bile Svetlo 1.0



Après quelques heures de route sans encombre nous nous arrêtons pour une première étape à Coppet dans une charmante et impressionnante villa squattée non loin de Genève en direction de Lauzanne, la maison de sorcières.

La Suisse. Tout un programme. A peine franchie la frontière tu passes dans un univers parallèle obscur ou une première partie de tes repères tombent comme un vieux lambris moisi et décollé, ton obsession devient d'éviter les autoroutes à vignette, d'essayer vaguement de trouver ta direction au milieu de panneaux où le bleu correspond aux bonnes vieilles nationales. Tu veux sortir de la ville, trouver ton premier hâvre de paix et ton œil accroche un peu partout ces horribles affiches aux bottes noires foulant le drapeau local et pratiquant sans vergogne une idéologie xénophobe, tu entends presque le bruit des godillots. « L'union démocratique du centre » mène une campagne incroyablement gerbante et se paye le luxe d'une propagande totalement déraisonnable sur tous les murs du pays, les jours suivants nous en avons vu partout, dans tous les bleds, petits et grands, ruraux comme industriels, partout, jusque dans les moindres recoins où l'on ne s'y attendrait même pas. J'ai bien halluciné sur ce braquage de crâne que bien peu de personnes semblent venir barbouiller ou même défoncer, à peine une paire d'affiches trashées en deux traversées de tout le contour des Alpes... Revenus à Fontaine, je me renseigne sur ce parti à la conception du centre tout à fait intéressante tant ce mouvement d'extrême droite est « sans ambiguité », un peu plus d'un quart des sièges au conseil national, même si j'avoue porter peu d'intérêt au système démocratique en place, je trouve que ça donne quand même un aperçu de l'ambiance pouvant flotter dans l'air. En évoquant le sujet on nous a beaucoup parlé de « chauvinisme » excessif mais je dois dire que mon ressenti est tout autre, j'ai vraiment eu le sentiment que la barrière du populisme avait été explosée au profit d'un racisme ouvert et particulièrement aggressif. Toujours est-il qu'il n'est pas forcément simple de mettre ça de côté tant la visibilité de ces affiches est effarante d'efficacité.

Un peu paumés au début nous nous retrouvons à contourner l'aéroport qui ressemble comme tous ces endroits sur industrialisés à des zônes militarisées, la pluie se met à tomber entre temps, finalement nous repérons presque par coup de chance la maison, le camion a tenu le choc ces dernières 300 bornes Tchéquie nous voilà, le jardin est immense, cultivé et garni, le campeone se pose derrière ce château et les habitant-e-s nous y accueillent bien chaleureusement. Ca fait bien plaisir de voir J., souriante et en train de préparer une copieuse tarte aux pommes. Visiblement sur Lausanne et Genève plusieurs jardins sont cultivés par des activistes et les légumes se répartissent généreusement dans les environs. La maison est magnifique, les habitant-e-s très volubiles, le repas se fait autour d'une grande table copieusement garnie et les discussions s'enchainent. Une des personnes présentes joue dans des bals folks et il parle de cette liesse surgissant parfois des danses qu'on y interprête. Plusieurs fois illes évoquent la fête annuelle de Septembre lors de laquelle ils organisent un concert, peut-être cette année avec l'orchydée d'Hawaï d'ailleurs, et un train fantôme diy !!! Pas banal ! A écouter leurs idées l'envie de venir voir tout ça grimpe comme de la sève... Une des habitant-e-s retape un bateau. Le lac Léman est juste en dessous et peut-être demain l'engin de plus de quatre mètres fera-t-il une petite avancée navale, fort de ses pièces neuves que nous regardons se construire lors de cette nuit et de la matinée suivante. J. nous parle très positivement du Fusion festival en Allemagne, la Fraction y jouait cette année, de la mort de son camion non loin de Berlin et d'un retour en stop étonnant, des toilettes sèches très en vogue aux abords de la maison. Igor, l'espiègle chat noir qui voyage avec nous, va faire une première promenade dans la jungle jardin qui jouxte le dos de la maison. L'orage est passé et la nuit est magnifique, les étoiles pullulent et les araignées pendant aux branches sont énormes, J. nous fait visiter le logis et nous montre de très belles pièces, très accueillantes et regorgeant de chaleur humaine. L'escalier, massif, voit une longue et fine drisse traverser son théâtre, en tirant dessus sur de nombreux mètres tu peux couper la lumière et rendre le calme à cette imposante baraque. Nous nous endormons paisiblement et lorsque nous ouvrons les yeux le soleil est de la partie, brillant sur le lac que nous scrutons de la fenêtre. C'est étonnant d'être dans ce squat occupé depuis sept ans où la vie semble si agréable et le fonctionnement équitablement établi, la nature y étant traitée en égale et y trouvant une place toute simple quand autour ce sont des propriétés plus que propres et révélatrices d'une richesse générale qui t'éclatent à la gueule. Les alentours sont incroyablement résidentiels et semblent fermés comme des coffre-forts, sur fond de bagnoles rutilantes et à vrai dire ne faisant pas vraiment envie... Ca manque d'un peu de rouille tout ça, d'un peu de vulnérabilité et de sensibilité. Tant pis nous verrons bien plus loin, le plus important c'est que nos ami-e-s s'y sentent bien et puissent y rester longtemps, du moins aussi longtemps qu'illes le souhaiteront.

Nous nous baignons dans le lac, la venue du soleil a réchauffé son eau et c'est un pur plaisir de s'y baigner, d'y prendre des forces avant de reprendre la route. Apparamment si tu baignes nu sur cette petite plage inaccessible les flics arrivent en quelques minutes, appelés par les voisins qui doivent passer pas mal de temps derrière des jumelles à surveiller les faits et gestes de leurs voisins qui ne leur en demandent pas tant... Je croyais que l'époque du gendarme de saint tropez était révolue mais bon il faut croire qu'il y a toujours l'esprit d'un De Funes qui sommeille en chaque hélvète qui se respecte. Nous apprenons que l'un des moyens de transports en commun est le bateau, pratique pour se déplacer d'une ville côtière du lac à une autre. Cette pratique semble assez développée par ici et nous la retrouverons dans pas mal d'autres endroits, y compris vers la frontière Allemagne-Autriche. Peu de temps plus tard le contact mit en marche le moteur rugit et nous voilà repartis en direction de la république Tchèque.