samedi 24 mars 2012

vendredi 9 mars 2012

Bile Svetlo 2.0

2.0

Pour s'y rendre, du moins par le sud, il faut commencer par traverser la totalité de la Suisse. N'étant pas pourvus de l'exorbitante vignette permettant de prendre l'autoroute (il semblerait qu'il soit néanmoins possible de la gruger s'il n'y a pas de frontière sur le trajet), nous nous décidons à emprunter les routes nationales que notre carte peine à décrire. D'abord Lausanne, traverser puis dépasser la ville, à un moment un énorme concert a lieu dans une petite bourgade et ce sont des cars entiers de hardos qui envahissent la place, les t-shirts Motörhead et Iron Maiden sont légions, direction Luzern, s'arrêter et tenter une fondue qui nous explose le ventre avec félicitations du jury et sourire de la taulière. A côté les tables chantent vigoureusement et avec soin des sortes des mélodies tyroliennes avec les jodeln la la li iii ou de circonstances et se répondent quand elles ne le font pas ensemble. A peine deux heures d'arrêt et sur le pare-brise nous trouvons une feuille garnie au gros feutre noir d'un amical « No camping here please », nous sommes garés sur un parking de trois places, découverte d'une des expressions favorites des Suisses, « Privat », tous les parkings sont privés bordel, réservés aux client-e-s où à je ne sais qui mais pas aux « autres », là c'est celui d'un magasin de couteaux multi-fonctions helvète, il est plus de vingt-deux heures ce n'est pas vraiment l'heure de pointe, on a bien dû voir passer trois voitures entre temps. Nous essayons de ne pas nous formaliser et repartons avec l'idée de trouver un coin tranquille aux abords d'un des innombrables lacs jouxtant le chemin. Un jeu d'enfant.

Enfin pas quand tu es en Suisse. Trouver une parcelle jonchée d'herbe proche d'une nappe d'eau peut relever de l'exploit. Et si en sus tu veux te baigner dans la susdite nappe alors... Les rives sont inaccessibles, tout est construit partout et le terme « Privat » revient continuellement, au milieu trainent les pauvres affiches avec les bottes, les propriétés érigées en domaines surprotégés succèdent aux propriétés, finalement nous trouvons un coin un peu à l'écart où il est même possible d'uriner sur le panneau « Parking privé ». Le temps de constater qu'il n'est pas trop envisageable de se baigner et de boire le café le plus cher du monde nous sommes déjà re-grimpés dans le valeureux Campeone, Igor aussi, le tirets blancs du bitume reprennent leur stroboscopie linéaire et hypnotique.

Arrivé-e-s à la frontière Suisso-Allemande nous passons sans encombre, fini les affiches de merde anti immigration, parfait, nous cherchons une plage dans Konstanz afin de réaliser le plouf salvateur. Nous la trouvons au fond d'une impasse où nous attend un espace étonnement aménagé avec un groupe qui joue live, des douches, des terrains de beach volley où se déchainent des corps sains aux esprits sains enfin sûrement, des berges aménagées... L'eau est un peu fraîche encore mais c'est bon de se sentir immergé et enveloppé par le fluide rassurant du lac.

En Allemagne, les autoroutes sont gratuites. Et droites mais bon ça c'est local. Afin de contourner le Bodensee et de reprendre le chemin de nos chères routes nationales où de toute manière nous ne roulons pas plus lentement nous en empruntons une la nuit est tombée, la vague de froid nous attaque de plein fouet. Je sens C. peu confiante voire suspecte par rapport à cette partie du trajet. Avec la fatigue un petit café n'est pas de trop alors nous décidons de nous arrêter sur une de ces accueillantes stations essence. Elle est un peu glauque mais remplit son office et nous abreuve de caféine un peu trop diluée bien que bouillante. Le temps de déplier une carte à l'intérieur du magasin, de prendre le noms des bleds à suivre pour trouver notre chemin et lorsque je ressors une bagnole de flics est garée juste à côté. C. caressant affectueusement Igor me dit avec un sourire et beaucoup de douceur « je crois que ça va être pour nous ».

Dont acte.

Les moustachus s'approchent et estiment notre niveau d'allemand avant de rapidement passer à un anglais assez sommaire. Ils vérifient nos papiers consciencieusement regardant constamment le camion et ses tâches de rouilles mettons naissantes, son cabossage racé, sa carrosserie un peu sale et son pare choc arrière prêt à empaler le premier venu (qui serait hostile, on est d'accord). Pendant que l'un d'eux fait les vérifications dites d'usage et passe un nombre conséquent de coups de fil, l'autre me fait la conversation, il me demande l'âge du camion (j'ai vaguement pensé à l'histoire de l'âge du capitaine, bref), si c'est un diesel, combien de kilomètres avec un plein ? Ah oui, ça ne consomme pas beaucoup tout ça et puis il me sort un sourire de cinquantenaire, je ne vois que sa moustache et trouve le temps diablement long pour un simple contrôle de papelards. Le gars dans la bagnole continue de passer des coups de fil, un peu agité. Il parle en allemand à son collègue et je ne comprends trop rien si ce n'est qu'il y a quelque chose qui lui fait dresser la truffe dans notre fier cargo rouge. Nous discutons avec C. de tout cela et commençons à nous douter que la drogue a quelque chose à voir dans l'affaire. C'est sûr, s'ils nous prennent pour des convoyeurs de fonds ou de cadavres, nous ne sommes pas vraiment crédibles. Déjà qu'ils doivent nous prendre pour des hippies... L'inspecteur Harry, celui qui a des doutes là, se pince parfois le nez et montre le camion dans la foulée, définitivement le Campeone cache quelque chose de louche dans le ventre.

Une deuxième bagnole de flics, une autre brigade semble-t-il, nettement mieux équipée et sympathiquement mixte, c'est tellement mieux de pouvoir fouiller tout le monde, se gare entre les deux véhicules, c'est que nous formons une chouette petite bande maintenant. Les nouveaux sont plus jeunes et parlent mieux anglais. Ils nous reposent les mêmes questions blasantes, nous répétons notre litanie, tout le monde est bien dans son rôle et nous allons pouvoir passer au plat de résistance.

« Alors vous avez uriné il y a peu ?

-Oui, une station essence c'est également fait pour ça.

-Ah, et vous n'avez pas envie d'uriner une seconde fois, là tout de suite

-Bah non, j'en sors.

-Ah, vraiment ? Je comprends oui. »

Une nouvelle fouille intervient, un peu plus élaborée. C'est vrai qu'une drôle d'odeur persistante flotte dans le camion mais bon nous nous y sommes habitués. Nous commençons à réaliser ce que les deux viocs prennent pour une arme toxique de haut niveau, ça paraît impossible et pourtant... Les jeunes stups ressortent de la cabine en se marrant et retournent discuter avec leurs collègues un certain temps que nous commençons à sentir dépités, un de ces moments inutiles dont nous pourrions toutes et tous nous dispenser passé à attendre trop longtemps pour rien (ou même pour quelque chose mais ça serait déjà une autre histoire). Finalement ils reviennent vers nous et nous disent que c'est bon qu'on peut y aller et bonne route évidemment. Avec C. nous avons capté quelques bribes de leur conversation et nous sommes médusés. Le dangereux addictif prohibé était en fait du gorgonzola en poudre, celui là même qui était tombé la veille tout ouvert qu'il était déversant au sol une partie de sa précieuse (et ma foi délicieuse) substance. Et voilà. Y a bien que les poulets pour prendre du fromage pour de la drogue. Des fois le terroir est plus dangereux qu'on ne le croit et je salue leur vigilance, on ne sait jamais, la prochaine guerre mondiale pourrait être gagnée en envoyant des bombes à la kartoffeln salat.

Toujours est-il que le principal est là, nous pouvons repartir après la séquence toujours agréable du délit de sale gueule et constater un peu plus loin que le moteur semble vouloir chauffer un peu. L'aiguille n'a pas encore franchi la barrière fatidique mais c'est déjà trop et nous constatons pour de bon que la mesure de cette température est faussée par un court-circuit lorsque les phares sont allumés. De quoi maintenir une tension constante lors du déplacement et de se dire que finalement les nasses c'est bien et qu'il est temps de s'arrêter un peu.

Plus tard nous dormons à proximité d'un petit terrain d'entraînement de football, un bâtiment abandonné nous tend les bras et je ne peux pas m'empêcher de faire le tour de la bâtisse. Murée comme un petit dessert que je contourne à la frontale, tendrement et en touchant les pierres des façades. Lorsque je vois une maison vide comme ça je me dis presque toujours qu'elle pourrait devenir un squat fourmillant d'activités et de bonne humeur. Bon pas possible de rentrer mais sa présence est rassurante, propice au repos.

Plus que les wursts proposées par le club house des footeux jouxtant notre humble demeure. La saucisse ou la mort?